Monday, March 14, 2011

La destruction de la ville de Jugha (Le Génocide Culturel de la 20-ème siècle)

Deuxième Partie

En 1903-1904, les Russes ont contribué à ravager la ville à l’occasion de la construction d’une ligne de chemin de fer, et des spécialistes du Centro Studi e Documentazione della Cultura Armena de Milan se sont alors élevés contre ces « destructions barbares ». Or le pire était à venir: les derniers Arméniens de la région furent exterminées par l’armée entre 1919 et 1922, alors que la ville comptait plus de 2700 habitants. Au tout début des années 1930, trois mille khachkar étaient encore visibles.

En 1928, l’historien de l’art Jurgis Baltrušaitis réussit à visiter la région à cheval, ce qui lui permit de prendre une série de 38 photos des vestiges de Jugha. Il fut frappé par le style des stèles et put conclure son étude -- restée longtemps inédite -- en disant que « l’ensemble des xačkar de Jugha représente une dernière grande floraison sculpturale dont la durée, l’élaboration, la maîtrise et l’énorme quantité est unique dans l’histoire mondiale de l’art. » Il regrettait bien sûr qu’un ensemble aussi exceptionnel soit toujours pratiquement inconnu, et au vu des menaces et déprédations qui se multipliaient, il fit connaître son travail en 1986, en collaboration avec Dickran Kouymjian, dans un volume des Etudes Arméniennes publié par la Calouste Gulbenkian Foundation en hommage à Haïg Berbérian.

En 1976, il y avait encore environ 3000 khachkars à Jugha. En 1986, Jurgis Baltrušaitis et Dickran Kouymjian suppliaient les autorités azerbaïdjanaise d’au moins laisser les savants venir sur place pour enfin pouvoir étudier ces vestiges uniques, et ils leur suggéraient également d’organiser sur place un musée, en espérant que, désormais, il n’y aurait plus d’autres détériorations sur le site.



A la fin des années 1990, il restait moins d’un millier de khachkars, et ces stèles continuèrent d’être régulièrement détruites durant les années 2002-2003. En décembre 2005 enfin, le peu qui restait fut systématiquement brisé en menus morceaux par des soldats azéris, sur ordre de leur tutelle. Les fragments furent pilés menu et dispersés ou jetés dans la rivière, puis le terrain fut arasé pour installer... un camp militaire.
Outre qu’il témoigne d’une rare bêtise, ce saccage méthodique était complètement illégal et faisait fi de toutes les conventions internationales. Malgré des protestations et même une plainte officielle du ministre arménien des affaires étrangères, relayées par l’UNESCO, les autorités azerbaïdjanaises ont impunément détruit l’ancienne ville, si bien que, de ce joyau admiré par tous les anciens voyageurs, il ne reste strictement rien aujourd’hui.


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