Saturday, March 12, 2011

La destruction de la ville de Jugha (Le Génocide Culturel de la 20-ème siècle)

Première Partie

Les derniers restes de l’extraordinaire ville de Jugha ont été systématiquement détruits en 2005, dans une indifférence générale...

Dans la république autonome de Naxijevan (Azerbaïdjan) se trouvaient, il y a encore quelques années, les derniers restes de l’extraordinaire cité appelée Jugha (Ջուղա) en arménien, et Julfa (جلفای) en persan, installée sur la rive nord de la rivière Arax qui marque la frontière avec l’Iran. Cette ville prospéra à partir du XVe siècle, devenant un important centre commercial rayonnant très loin: les marchands de la ville étaient connus jusqu’à Venise aussi bien qu’en Inde ou en Syrie. Signe de sa prospérité, Jugha était entièrement construite en pierres et pratiquement sans ciment, contrairement aux pratiques architecturales en usage dans la région à l’époque.
En 1605, la cité fut mise à sac et incendiée par le Shah ’Abbās I de Perse, qui souhaitait établir un vide entre lui et les Ottomans, ce pourquoi il déporta en Iran les trois mille familles vivant alors à Jugha. Pour faire bonne mesure, il déporta pareillement toute la population des alentours, et détruisit l’ancien pont qui enjambait la rivière. Il fit annoncer aux habitants qu’ils avaient trois jours pour abandonner leurs maisons et quitter les lieux, et environ 100.000 personnes connurent un exode forcé. Régulièrement par la suite, des expéditions punitives vinrent chasser ceux qui revenaient sur place en s’imaginant pouvoir s’installer de nouveau dans leur ancienne cité.
Pourtant, au XIXe siècle, divers voyageurs, ayant visité les ruines de Jugha, pouvaient encore décrire sa vingtaine d’églises, ses deux caravansérails, ses quelques dizaines de familles survivant sur place, et rien moins qu’une dizaine de milliers de
xačkar, nom donné aux stèles dont le décor forme une véritable dentelle de pierre, et qui se dressaient encore dans un immense cimetière, témoignant de la grandeur passée. Dentelle est le terme qui convient, car il semble que, pour partie au moins, ce décor ait été inspiré de celui des étoffes, notamment de soie, dont le commerce fit la fortune des marchands inhumés sous ces pierres funéraires.

Kachkar1
Exemples de xačkar, photographiés avant leur destruction.

Le décor foisonnant de ces stèles était souvent associé à des inscriptions d’une grande importance pour la compréhension de l’histoire régionale.

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Vue de l’ancien cimetière de Jugha, et ses milliers de stèles… dont il ne reste plus rien (photo extraite du récit de voyage de Mme Chantre en 1890).

Dans ce cimetière se voyaient également d’étonnantes pierres tombales animalières, en forme de béliers stylisés, dont deux portaient les dates de 1578 et 1579. Plus d’une vingtaine ont été signalées, mais leur signification reste mystérieuse... et le demeurera probablement, car la plupart de ces objets paraît avoir été détruite.

ON VA CONTINUER....

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